« Toledo ? What for ? » Voilà ce que me demandent toutes les personnes que je rencontre pendant ce mois de voyage aux US. Difficile de croire que cette ville industrielle et endormie de l’Ohio mérite un stop. Quand je précise Bowling Green, petite college-town, mes interlocuteurs ne comprennent toujours pas. Pourtant c’est simple : MEGAN ! Ma chère coloc’ américaine de Keele, encore et toujours cette fameuse université anglaise où j’ai passé ma dernière année d’étude.
A Bowling Green, il y a donc Megan, la famille de Megan, John le fiancé de Megan, Jack le chien de Megan, et tous les amis de Megan. Busy weekend en perspective. Comme pour tous les autres Keelers dont j’ai croisé la route aux US, les retrouvailles sont géniales, intenses, « comme si on s’était quitté la veille ».
Mon arrivée tardive a quelque peu modifié les plans. L’on file rapidement au resto où l’on retrouve la maman et la sœur de Megan pour un premier diner famille. Je connaissais Katelyn qui avait rendu visite à sa sœur en Angleterre. C’est un vrai plaisir de rencontrer leur maman. Les photos s’animent enfin. Après le diner, visite by night de la rue de principale de Bowling Green et accessoirement de quelques bars. On se remémore nos souvenirs keeliens. Quelques bières et le courant passe vraiment bien avec le gentil John. Megs est entre de bonnes mains.
Prof et assistante sociale à Fosteria
Samedi matin, Megs m’emmène visiter l’école dans laquelle elle enseigne. C’est génial de découvrir les chemins que tous les Keelers ont pris depuis l’université. Mon ex-coloc’ américaine est institutrice en CP à Fosteria, que l’on définirait en France comme un quartier difficile. Bien plus qu’une simple prof, elle s’auto-confère un rôle d’assistante sociale. Situations familiales difficiles, parfois extrêmes. Chômage, violences, faim, manque d’argent. A six ans à peine, les enfants prennent en pleine face la réalité du monde des adultes. Chose positive, ils ont confiance en leur maîtresse et souvent se confient. Chaque matin, les élèves arrivent une heure en avance car Megs leur prépare un petit déjeuner, ce que leurs parents ne peuvent leur offrir. Chaque matin, Megs, elle, quitte son appart à cinq heure pour préparer ce petit déjeuner.
Sur la route, nous passons tout un quartier de mobile homes. Une bonne partie des élèves de Megan vit ici. Les camping-cars sont ensevelis par la neige. Leurs habitants doivent crever de froid.
L’école est vide ce samedi matin. Nous serons tranquilles pour la visite. Un seul pied dans la classe et j’imagine le sentiment de soulagement des enfants. Partout des couleurs flamboyantes, des gommettes, des encouragements, des autocollants, des dessins, des phrases objectifs, des livres, des stylos, des ordinateurs. Le tout à leur hauteur. La classe dont j’ai toujours rêvé. On s’y sent bien et en sécurité. A la place du tableau noir, un grand cadre couvert d’un plastique blanc brillant. Je m’interroge et Megan me fait une démonstration. C’est le méga-giga-topissime Smart-Board. Explication en images :
Etre situé dans un quartier difficile a finalement un côté positif : bénéficier de davantage de subventions que les autres établissement scolaires. Avec les fonds reçu, l’école primaire de Fosteria a investi dans un équipement pédagogique moderne et flambant neuf.
Speak Free
Sur le chemin du retour, nous faisons un crochet par l’Université. Ce qui nous y attire : le free speech circle. En plein cœur de l’université Bowling Green, des bancs en demi-cercle autour d’un arbre. A l’intérieur du cercle, chacun est libre de dire ce qu’il souhaite, le bon comme le mauvais. Personne ne peut l’en empêcher. Personne ne peut le contredire. C’est le droit le plus strict du speaker. Megan m’explique que souvent des amoureux déclare leur flamme ; des religieux, du simple pratiquant au plus extrémiste, récitent les versets de leur livre saint ; des militants politiques soutiennent leurs partis ou leurs causes. La démocratie américaine à l’état pur.
In Vino Veritas
Notre première partie de soirée, nous la passons chez le Papa de Megan. M. Johnson nous accueille avec sa femme Jill le sourire jusqu’aux oreilles. Katelyn, son mari, Aron, et leur bébé, Bradley, sont également conviés. Diner famille, ça faisait longtemps ! Ca parle fort, ça bouge, ça rit, comme à la maison. M. Johnson ouvre une excellentissime bouteille. Un rouge californien. Mes amis bordelais me tueraient… Apéro, dîner, on se régale. Mes hôtes sont d’une gentillesse extrême. Après le repas, M. Johnson prend sa guitare et pousse la chansonnette. Fier de sa réussite, il me fait visiter sa belle maison et me présente également les quelques tableaux et œuvres d’art qui la décorent. Une petite discussion politique passionnée clôt cette première partie de soirée parfaite. Je dîne chez des Républicains (hormis Megan), je me situe chez les Démocrates. Une nouvelle fois, j’apprécie l’ouverture d’esprit des américains et leur acceptation de la discussion (du moins en cercle privé). Le bon vin fait parler, le mauvais fait gueuler.
Back at the Union
La soirée est à nous. Direction le bar à la mode où des copains de lycée de Megan donnent un concert. Les Empire Drift. Comme à chaque fois, je… on doit, montrer notre carte d’identité. Ce maudit âge légal. Moins de 21 ans, tu peux porter une arme, tu peux conduire, mais tu n’as pas le droit de consommer d’alcool. Et puis, j’ai juste 6 ans de plus que la limite fatidique… Megan me rassure en me disant qu’ils contrôlent même les vieux ! L’endroit est plein à craquer. Les musiciens sont déjà en pleine performance. Les filles sont au premier rang. Les mains occupées par des bocaux à poisson remplis de liquide coloré. Trois copines de Megs et John se joignent à nous pour la fiesta. J’ai l’impression de faire un bond de quatre ans en arrière quand on faisait les folles à l’Union. C’est complètement délirant. Un bocal coloré échoue dans mes mains. On danse, on chante, on rigole. Comme des groupies. Ils jouent Somebody told me… Je suis amoureuse ! A la pause du groupe, j’ai même droit à une discussion avec leur chanteur et leadeur. Megan a arrangé le coup. Je la vois se marrer. De vraies ados. J’accepterai juste la photo et un CD. Les musiciens reprennent. La fête se poursuit jusqu’à la fermeture… à 2 heures. Une des meilleures soirées passées aux US. La fiesta, la vraie, comme du temps des Keelers.
Dimanche tranquille
Samedi, c’était côté Megan. Dimanche, je découvre la famille de John. Une bonne heure de route nous permet de récupérer un peu plus la soirée la veille. Chez John, c’est à la cool. Pas de chaussures, tu te serres, tu fais comme chez toi, pas de chichi. Sa maman récupère notre linge sale et prépare nos machines pendant que le déjeuner mijote. L’odeur éveille nos appétits. Le frère, la belle sœur de John et leurs deux enfants sonnent et l’on se met à table. Un délice. Le beau-père raconte des blagues que je ne comprends qu’une fois sur deux tant son accent est fort. Ca fait rire tout le monde, c’est le principal. L’après-midi passe tranquillement. Comme un lendemain de fête. Pas de prise de tête.
Déjà, il est temps de quitter mes amis de l’Ohio. Dans deux jours, le Président-élu Obama prononcera son discours d’investiture. Washington m’attend donc. Rendez-vous est pris de toute façon pour 2010. Je serai de retour en juin dans l’Ohio. Pour le mariage de Megan et John. Et après un pareil weekend, qu’on ne me dise plus « Toledo ? What for ? » !
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