Sur la lancée d’une magnifique journée passée dans le Vieux Carré, je m’apprête à découvrir la fameuse vie nocturne de la rue Bourbon. Resto et bars repérés sur Internet. Je suis d’humeur joyeuse et décide de m’y rendre à pied. Le soleil entame tout juste sa descente. Je m’élance donc sur Canal Street pour quarante minutes de marche en direction du jazz néo-orléanais. L’excitation est à son comble. Le trajet est simple : tout droit jusqu’au croisement avec la rue Bourbon.
Après dix minutes de marche, je passe une station essence. Des jeunes en demi-cercle autour d’un coffre de voiture se balancent de gauche à droite. Boîte à rythme à fond, ils rappent, improvisent, gesticulent. On se croirait dans 8 miles*. Quelques minutes plus tard, de l’autre côté de la rue, une voiture de police se met à couiner pour arrêter le véhicule qu’elle suivait. La nuit tombe de plus en plus. Immobilisés au bord du trottoir, les conducteurs s’observent depuis l’intérieur de leurs habitacles. Le policier ouvre enfin sa porte et se dirige lentement vers l’interpelé, la main sur le côté parée à réagir. L’autre conducteur, un jeune noir, a les deux mains sur le volant et obéit aux ordres. Il sort de sa voiture, se retourne, pose les mains sur le toit, écarte les jambes. Fouille au corps et menottes indispensables le temps de la vérification des papiers. Comme dans les films. Le manège semble durer une éternité. Finalement, le blanc policier n’a rien à lui reprocher. Le jeune file sans broncher. Putain.
La musique n’est plus qu’à quelques blocks. Il fait totalement nuit. Bourbon street, enfin. Je passe les bars et restaurants les uns après les autres jusqu’à trouver celui que j’ai repéré. Devant les établissements encore vides, des chasseurs criards qui tentent de m’amadouer. Apparemment le dimanche soir, c’est three for one. Mes oreilles me dissuadent. Le Cajun Cabine, à qui je me destine ce soir, attend encore ses clients. A l’intérieur, tout est en bois. Au fond du resto, une scène. Le groupe de blues est plutôt accueillant. Je m’installe à quelques tables.
Un serveur m’apporte la carte : petite bière et poisson chat au menu. La musique me fait patienter. Sur les écrans de télé, encore du foot américain. Les professionnels cette fois-ci. La fausse arrestation à laquelle j’avais assisté quelques instants plus tôt est maintenant loin. Je décompresse et profite. Petit diner agréable, sans prétention.
Le cat fish est bien passé, la petite bière aussi. Je remercie le groupe avec un pourboire, le serveur aussi. Envie d’un peu plus de musique. Je sillonne la rue Bourbon dans l’autre sens. C’est le méga choc. Partout des gens qui entrent et sortent. Par terre, des gobelets abandonnés. Encore plus de chasseurs pour rabattre la clientèle. Le volume, déjà conséquent une heure auparavant, est multiplié par trois. Des jeunes avinés chantent et paradent bras dessus, bras dessous. Difficile de se décider au milieu de ce capharnaüm. Je me sens un peu déconnectée. Un homme d’une cinquantaine d’année qui marchait devant moi se retourne et me repère. Il fait mine d’être intéressé par une vitrine et m’accoste. Je fais semblant d’être super à l’aise. Trois fois il me fait répéter mon prénom, mais ne le comprend toujours pas. « Are you by yourself? ». Il cherche une compagne pour la nuit. « No, i’m meeting friends just there, in this bar. Have a good night »**. Je l’abandonne et rentre dans le premier bar venu, à la recherche de mes amis imaginaires. Le jazz sonne bien, mais je ne suis plus vraiment dans l’ambiance. Il est à peine 22 heures et déjà les vicelards sont de sortie. J’attends encore quelques minutes et me décide à rentrer à l’hôtel. Le coin n’est pas hyper safe pour les femmes seules.
A la sortie du bar, une demoiselle en porte-jarretelle patiente devant une porte couverte de filles nues. Les deux malabars qui l’entourent n’ont pas l’air commode. Encore des regards de vieux pervers. Les étudiants sont à l’intérieur. Pas de groupes auxquels je pourrais me raccrocher. J’accélère le pas vers le tram. Un jeune black joue du trombone au coin de Canal Street. C’est incroyable. Il est littéralement possédé par son instrument. Petit moment apaisant en attendant le trolley bus…
… qui ne viendra jamais. Solution taxi abandonnée après vingt nouvelles minutes d’attente. Vive le dimanche soir ! Je dois marcher. La rue est éclairée, ça devrait aller. Et puis, je pourrai toujours sauter dans le premier tram qui passe. A mi-chemin, je suis confiante. La lumière est toujours là, personne ne m’a encore interpellée. Je déchante assez rapidement. Les trottoirs changent et n’ont plus vraiment des têtes de trottoirs. Les lampadaires sont de plus en plus distants les uns des autres. De-ci, de-là des groupes de latinos qui fument et me sifflent au passage. Je suis vraiment trop conne… Au milieu de la route, sur les rames du tram, je repère un jeune, apparemment dans la même situation que moi. Je quitte donc le côté pour le centre de la rue et me cale sur sa foulée. Il ne le saura pas, mais je pense qu’il m’a bien sauvé la mise ce soir-là. Je retrouve South Lopez et l’India House avec émotion.
Il ne m’est rien arrivé ce soir, mais ça aurait pu mal tourner. Naïveté évidente et impardonnable. La leçon est tirée, mais je garde un goût amer de cette soirée pendant laquelle j’ai découvert l’autre visage de la Nouvelle Orléans. Celui qui porte apparemment les stigmates de Katerina, pour en avoir discuté plus tard avec certains colocataires. Loin de moi l’idée de vouloir généraliser à toute la ville l’ambiance vraiment malsaine que j’ai pu ressentir. Accompagnée et bien renseignée sur les lieux où sortir, j’aurais certainement vécu cette soirée complètement différemment. Il reste que les belles maisons aux balcons en fer forgé n’ont plus du tout la même saveur.
* Le film du rappeur Eminem
* "Tu es toute seule?". "Non, je dois retrouver des amis dans ce bar, là. Bonne soirée".
Après dix minutes de marche, je passe une station essence. Des jeunes en demi-cercle autour d’un coffre de voiture se balancent de gauche à droite. Boîte à rythme à fond, ils rappent, improvisent, gesticulent. On se croirait dans 8 miles*. Quelques minutes plus tard, de l’autre côté de la rue, une voiture de police se met à couiner pour arrêter le véhicule qu’elle suivait. La nuit tombe de plus en plus. Immobilisés au bord du trottoir, les conducteurs s’observent depuis l’intérieur de leurs habitacles. Le policier ouvre enfin sa porte et se dirige lentement vers l’interpelé, la main sur le côté parée à réagir. L’autre conducteur, un jeune noir, a les deux mains sur le volant et obéit aux ordres. Il sort de sa voiture, se retourne, pose les mains sur le toit, écarte les jambes. Fouille au corps et menottes indispensables le temps de la vérification des papiers. Comme dans les films. Le manège semble durer une éternité. Finalement, le blanc policier n’a rien à lui reprocher. Le jeune file sans broncher. Putain.
La musique n’est plus qu’à quelques blocks. Il fait totalement nuit. Bourbon street, enfin. Je passe les bars et restaurants les uns après les autres jusqu’à trouver celui que j’ai repéré. Devant les établissements encore vides, des chasseurs criards qui tentent de m’amadouer. Apparemment le dimanche soir, c’est three for one. Mes oreilles me dissuadent. Le Cajun Cabine, à qui je me destine ce soir, attend encore ses clients. A l’intérieur, tout est en bois. Au fond du resto, une scène. Le groupe de blues est plutôt accueillant. Je m’installe à quelques tables.
Un serveur m’apporte la carte : petite bière et poisson chat au menu. La musique me fait patienter. Sur les écrans de télé, encore du foot américain. Les professionnels cette fois-ci. La fausse arrestation à laquelle j’avais assisté quelques instants plus tôt est maintenant loin. Je décompresse et profite. Petit diner agréable, sans prétention.
Le cat fish est bien passé, la petite bière aussi. Je remercie le groupe avec un pourboire, le serveur aussi. Envie d’un peu plus de musique. Je sillonne la rue Bourbon dans l’autre sens. C’est le méga choc. Partout des gens qui entrent et sortent. Par terre, des gobelets abandonnés. Encore plus de chasseurs pour rabattre la clientèle. Le volume, déjà conséquent une heure auparavant, est multiplié par trois. Des jeunes avinés chantent et paradent bras dessus, bras dessous. Difficile de se décider au milieu de ce capharnaüm. Je me sens un peu déconnectée. Un homme d’une cinquantaine d’année qui marchait devant moi se retourne et me repère. Il fait mine d’être intéressé par une vitrine et m’accoste. Je fais semblant d’être super à l’aise. Trois fois il me fait répéter mon prénom, mais ne le comprend toujours pas. « Are you by yourself? ». Il cherche une compagne pour la nuit. « No, i’m meeting friends just there, in this bar. Have a good night »**. Je l’abandonne et rentre dans le premier bar venu, à la recherche de mes amis imaginaires. Le jazz sonne bien, mais je ne suis plus vraiment dans l’ambiance. Il est à peine 22 heures et déjà les vicelards sont de sortie. J’attends encore quelques minutes et me décide à rentrer à l’hôtel. Le coin n’est pas hyper safe pour les femmes seules.
A la sortie du bar, une demoiselle en porte-jarretelle patiente devant une porte couverte de filles nues. Les deux malabars qui l’entourent n’ont pas l’air commode. Encore des regards de vieux pervers. Les étudiants sont à l’intérieur. Pas de groupes auxquels je pourrais me raccrocher. J’accélère le pas vers le tram. Un jeune black joue du trombone au coin de Canal Street. C’est incroyable. Il est littéralement possédé par son instrument. Petit moment apaisant en attendant le trolley bus…
… qui ne viendra jamais. Solution taxi abandonnée après vingt nouvelles minutes d’attente. Vive le dimanche soir ! Je dois marcher. La rue est éclairée, ça devrait aller. Et puis, je pourrai toujours sauter dans le premier tram qui passe. A mi-chemin, je suis confiante. La lumière est toujours là, personne ne m’a encore interpellée. Je déchante assez rapidement. Les trottoirs changent et n’ont plus vraiment des têtes de trottoirs. Les lampadaires sont de plus en plus distants les uns des autres. De-ci, de-là des groupes de latinos qui fument et me sifflent au passage. Je suis vraiment trop conne… Au milieu de la route, sur les rames du tram, je repère un jeune, apparemment dans la même situation que moi. Je quitte donc le côté pour le centre de la rue et me cale sur sa foulée. Il ne le saura pas, mais je pense qu’il m’a bien sauvé la mise ce soir-là. Je retrouve South Lopez et l’India House avec émotion.
Il ne m’est rien arrivé ce soir, mais ça aurait pu mal tourner. Naïveté évidente et impardonnable. La leçon est tirée, mais je garde un goût amer de cette soirée pendant laquelle j’ai découvert l’autre visage de la Nouvelle Orléans. Celui qui porte apparemment les stigmates de Katerina, pour en avoir discuté plus tard avec certains colocataires. Loin de moi l’idée de vouloir généraliser à toute la ville l’ambiance vraiment malsaine que j’ai pu ressentir. Accompagnée et bien renseignée sur les lieux où sortir, j’aurais certainement vécu cette soirée complètement différemment. Il reste que les belles maisons aux balcons en fer forgé n’ont plus du tout la même saveur.
* Le film du rappeur Eminem
* "Tu es toute seule?". "Non, je dois retrouver des amis dans ce bar, là. Bonne soirée".
1 commentaire:
heureusement que je savais que cela c'était bien terminé pour mon "poussin" !!!!
sa maman poule a bien flippé à retardement,et encore tu n'as peut être pas tout dit?
please keep this bad experience in your mind.
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