San Antonio, Texas. Prochaine escale de mon voyage aux US. L’Etat à l’image certainement la plus stéréotypée que nous, français (et européens), avons de tous les Etats-Unis. La faute à un certain G.W.B. Déjà dans le Greyhound qui me mène à l’ancienne ville mexicaine, des chapeaux de cow-boy, des santiags et des accents à couper au couteau. Le trajet depuis New Orleans n’est pas si long (huit heures), mais mon départ tardif de Louisiane me vaut un beau stop de quatre heures à Houston, entre deux et six au beau milieu de la nuit. Première expérience sympathique du fameux bus gris. Pourquoi ce choix de ville ? DIANA, mon amie co-captain de l’équipe des Keelers en Angleterre (football). Cela fait 4 ans que l’on ne s’est pas vu, mais malgré la distance nous avons toujours gardé contact. La Mexicana m’accueille à l’arrivée. Elle sort du boulot, toute chic avec sa veste immaculée et ses lunettes de star. Trop bon de se retrouver. Une impression de s’être quitté la veille. Troisième Keeleuse sur ma route américaine.
Le Mexique n’est pas inscrit à mon itinéraire, mais j’ai l’impression de découvrir le Texas avant Fort Alamo ! A San Antonio, je suis à Mexico.
A commencer par la cuisine, une passion que Diana et moi avons en commun. Ces six jours se transforment rapidement en tour gastronomique et Diana est le meilleur guide qui soit. Pour les mets plus classiques : tacos, quesadillas, guacamole. Mais attention, pas les imitations made in France ou la malbouffe texmex. Maïs et avocat sont tellement plus goûteux. Pour les découvertes : tamales (gâteaux de maïs cuits à la vapeur dans des feuilles de maïs. Idéal pour démarrer la journée), mole poblano (poulet à la sauce au chocolat épicée, préparé par la maman d’Adriana, une autre amie mexicaine de Keele. UNE TUERIE !). Pour se désaltérer sans alcool : agua jamaïca (eau aromatisée à la fleur d’ibiscus), horchata (une sorte de lait de riz, excellent pour la digestion). Et enfin, pour s’abreuver, avec modération : Corona, Margarita et autres cocktails à base de tequila.
Qui dit breuvage, dit fiesta. Là encore, Mexico n’est pas très loin. Diana m’entraîne un premier soir dans un bar flamenco. Une petite sangria et une intense démonstration plus tard, nous voilà dans une boite à quelques pas. Un de ses proches amis est l’un des actionnaires. La soirée est à nous. L’accueil des Mexicanos est incroyable. Nos origines latines communes y sont certainement pour quelque chose. Je commence avec l’anglais, mon castillant est encore trop hésitant. Mais à mesure que la soirée avance, il fait un retour fulgurant. Etonnant. L’occasion d’une petite initiation aux danses latines. Difficile de trouver un cavaillero qui ne sache pas danser. Tous se dandinent avec grâce et conduisent sur rythme naturel les débutantes dans mon genre. J’ai l’impression d’être la reine de la piste. Ce n’est qu’une impression, mais je m’éclate. La soirée se terminera au petit matin… à 6 heures.
Le lendemain, samedi soir, direction Austin, la capitale de l’Etat. On doit y retrouver une amie d’enfance de Diana, Paulina. Elle organise une soirée avec deux autres copines mexicaines dans leur appart, Karen et Sofia. Il paraît que les soirées à Austin sont mémorables, je vais en avoir un bel aperçu. Lorsque l’on franchi les portes, la soirée est déjà bien avancée et l’accueil est toujours aussi chaleureux. L’assistance est beaucoup plus cosmopolite. Mexicains, Américains, Australiens, Polonais et autres Sud Américains ont l’air d’avoir passé plus d’une soirée ensembles. Leur dénominateur commun : parler le castillant ou presque. C’est marrant de voir les gringos se mettre à la salsa et tenter de concurrencer leurs voisins du sud. L’ambiance est incroyable, les rencontres également. Je récupère quelques cartes et adresses pour la suite de mon voyage, en Australie notamment. Vers 23 heures, plus de musique, on change pour le Catch Phrase ! Une variante du tabou. Le principe : former un cercle et se passer un rond en plastique sur lequel apparaît un mot qu’il faut faire deviner aux membres de son équipe (sans bien évidemment prononcer de mot qui y ressemble). Quand le mot est trouvé, passer la palette à son voisin qui tape dessus et un nouveau mot apparaît. Le temps défile et l’équipe qui se retrouve avec l’objet entre les mains perd la manche. Ce soir, c’est garçons contre filles et en dans la langue de Shakespeare s’il vous plaît. Le jeu démarre. Le rond passe de mains en mains à une vitesse fulgurante sans que je ne comprenne ou ne trouve un seul mot. Je commence à douter de mon anglais. Encore deux. Encore un. C’est à moi ! Je frappe la soucoupe et avec la plus incroyable ironie, voilà le mot que je doit faire deviner : suitcase ! Il fallait forcément que ça tombe sur moi. Easy. Bagage ! Lugage ! Mes co-équipières trouvent en cinq secondes, des cris et sauts de filles partout ! Surréaliste. Moyenne d’âge ? Environ vingt-six ans. Le jeu se poursuit et se termine quelques verres plus tard. Comme toujours, les filles pensent avoir gagner et les garçons le contraire. La soirée se poursuivra dans quelques bars de la fameuse sixième rue. Mémorable, effectivement.
Il n’y a pas que la fête dans la vie, il y a la culture aussi.Et San Antonio résume à elle seule les liens qui unirent au fil des ans cultures mexicaines et américaines, de ses fondateurs à ses actuels occupants. Sous une chaleur pesante, Diana et son GPS nous mènent sur la route des Missions. En 1718, Franciscains et Espagnols établirent des missions le long de la rivière San Antonio dans le but d'éduquer et christianiser les Indiens qui vivaient sur ces terres. Leur but ultime était d'en faire des citoyens espagnoles. Selon le park national, les Franciscains auraient protégé les natifs conre l'armée et le gouvernement américains. San Antonio doit ainsi son existence aux missions franciscaines.
Nous en visiterons quatre. La toute première, Espada, sera ma préférée. Petite. Paisible. A côté de l’église, un étroit patio couvert de fleurs dénote avec l’ambiance western desséché des alentours. Le clocher offre son ombre, la végétation semble apprécier. L’arbre imposant devant la partie rénovée carillonne. De l’édifice s’échappe de la musique classique. Difficile de résister à l’envie de pousser la porte. A l’intérieur, la simplicité à l’état pure. Murs blancs et plafond en poutre. Quelques crucifies en bois marquent le chemin. Les bancs craquent. Les fleurs rouges sentent bon. Noël est encore présent. Le temps semble s’arrêter.
L’autre point historique de San Antonio, c’est bien évidemment Fort Alamo. Petit point d’histoire. Avant de devenir américain, le Texas appartenait au Mexique. En 1836, un peu moins de deux cents hommes à la conquète de nouveaux territoires et aidés par des aventuriers (dont David Crocket), se retranchèrent à Alamo et affrontèrent jusqu'à la mort l'armée mexicaine, forte de cinq mille soldats. Les américains livrèrent une bataille telle qu'ils parvinrent à tuer six cent mexicains. Impressionné par leur courage, le gouvernement américain envoya des troupes pour venger la mort des héros. Cette guerre conduit le Mexique à perdre cette partie de son territoire. La République Indépendante du Texas fut proclamée cette même année, avant son annexion par les Etats-Unis en 1845.
Les dégâts furent considérables pour la mission devenue camp militaire. La partie qui se visite aujourd’hui est en fait une reconstitution de ce à quoi ressemblait le fort à l’époque. Le jardin, en plein cœur de la ville, est particulièrement apaisant. A la sortie, un Texas Ranger veille. Sa moustache est trop séduisante, la photo s’impose. Mission accomplie Le Gonz’ !
Mon voyage n’aurait pas été le même si je n’avais pas assisté à un match des San Antonio Spurs du Frenchy Tony Parker. En pleine saison de basket, s’eût été un crime ! Nos places sont royales. A mi-hauteur dans un coin. L’on peut pratiquement toucher les joueurs. Ambiance surchauffée dans la salle. A l’entrée du français sur le terrain, la salle se soulève. Impressionnant. Les stars de l’équipe sont toutes là. Show à la NBA : Pom-pom girls, danseurs hip hop, démos de un contre un et lancers à trois points, kiss cam, lancers de t-shirts, hot-dogs, gadgets en tout genre. Sur le terrain, les Spurs sont à la peine. TP sort quelques classiques. Duncan manque les shots, Ginobili n’arrive qu’à la mi-match. En face, les LA Clippers ne profitent pas du jeu nerveux des receveurs. Les californiens sont en tête une bonne partie du match, mais se font passer en fin de rencontre par des Spurs qui n’ont qu’à hausser d’un poil leur niveau de jeu pour ne pas décevoir leur public. Courte victoire, mais victoire quand même. TP aux US (sans Eva), c’est quelque chose !
Si mon séjour à San Antonio fut culturellement très mexicain, j’ai cependant vécu une expérience bien américaine : franchir la porte d’un magasin d’armes, histoire de me faire ma propre opinion. L’entrée dans le magasin est vraiment effrayante. Je peux à peine tenir un pistolet en plastique alors imaginez moi au milieu des fusils d’assauts, armes de points, magnum géants et révolvers en tout genre. Le propriétaire, sexagénaire, à l’air sympathique. Son regard azur est rassurant. Je me présente : petite française en vacances qui n’a jamais vu pareil endroit et qui souhaite comprendre le pourquoi du comment. Pas de clients derrière nous, il prend le temps de bien nous expliquer les choses.
Tout citoyen américain au casier vierge est en droit de posséder une arme, plusieurs même. Aucune limite de calibre, tout est bon à acheter tant qu’on n’a pas de casier. Et un étranger ? Interdit. Comment on fait pour vérifier ? Avant l’achat, le vendeur passe un coup de fil au service administratif concerné pour vérifier les antécédents du futur acquéreur. Et l’enregistrement des armes, ça se passe comment ? Il n’y en a pas. Constitution oblige. Le premier à enregistrer les armes, c’était Hitler. Merci pour la leçon d’histoire. Passons les questions faciles, on va lui rentrer un peu dedans. Quel est l’intérêt d’avoir une arme ? Protéger sa famille. De quoi ? De personnes malintentionnées. Mais vous ne pensez pas que c’est la libre circulation qui conduit à un climat d’insécurité ? Non parce que dans ce cas là, seuls les méchants garçons possèderaient des armes. C’est le serpent qui se mort la queue. Autre approche. Qu’en est-il de la maîtrise de l’arme elle-même ? Là je touche le point sensible. Le monsieur aux cheveux gris m’explique que si les américains qui possédaient une arme avaient vraiment conscience de la responsabilité que cela entraine et passaient plus de temps à apprivoiser leurs armes, les personnes comme moi n’auraient pas grand chose à redire. Intéressant. Il ajoute qu’un soir par semaine, il prend en charge un groupe de femmes et leur enseigne l’auto-défense. Les premiers cours, ces femmes les passent sans tirer. Il faut d’abord s’habituer à porter une arme. Si tous les vendeurs étaient comme lui… Avez-vous déjà tué quelqu’un ? « Non. Mais j’aurais pu. Une nuit, j’ai entendu du bruit dans ma boutique. Je dors au dessus. Je suis donc descendu et j’ai aperçu une ombre. J’ai eu une seconde pour allumer la lumière et un quart de seconde pour me rendre compte que l’homme qui était entré dans ma propriété n’était pas armé. J’avais le doigt sur la détente, mais je n’ai pas tiré. Je lui ai dit de déguerpir sinon j’appelais la police. J’avais une arme, mais toutes mes années de pratique et mon self-control lui ont sauvé la vie cette nuit-là ».
Nous sommes en désaccord total sur le principe même du port de armes et surtout de leur libre circulation. Mais cet homme, tout aussi dangereux qu’il est à soutenir une cause à laquelle je n’adhérerai jamais, tient plutôt un raisonnement sensé. L’exception qui confirme la règle ? Il me propose d’aller tirer quelques balles dans la salle d’entraînement. « I can’t. It’s against my believes* ». Poli et calme jusqu’au bout, il m’offre une casquette à la place. C’est ça l’Amérique.
* Je ne peux pas, c'est contre ce en quoi je crois